CONDOMINIUM RUE REAUMUR A PARIS, 2007
Déplaçant à Paris aujourd’hui l’archétype du condominium anglo-saxon, ce travail prospectif interroge la façade entendue comme figure de distinction. Un édifice à usage d’habitation de luxe bénéficiant de services mutualisés est projeté rue Réaumur dans le 2ème arronsissement de Paris. Ce programme semble révélateur de l’obligation de résultat formel qu’il induit. La façade joue son rôle de médiation avec le reste du monde, se distinguant des autres architectures et des époques préalables. Elle se donne à lire pour ce qu’elle est, une représentation, un masque identitaire. La proposition cherche à donner un ton à l’édifice, un caractère haut de gamme, il s’agit de faire émerger le paraître, par un jeu de façade au lyrisme quasi-baroque. Une subordination formelle est recherchée dans le dessin de cet atour, commentant l’instrumentalisation de la pratique aux exigences du pouvoir de commande. Signe architectural contemporain dans l’espace urbain historique, le condominium s’exprime par son épaisseur de façade, véritable vitrine suggérant un milieu, un entre soi, une identité, avec ses codes cultivés - prestations, menuiseries, occultations - ancrés dans une époque. Dans ce but, la façade esquissée connote luxueusement son expression par un recyclage littéral d’un registre formel emprunté à un artisanat joaillier. La coupe particulière des perceptions de l’individu extérieur, le piéton de Paris en quelque sorte, se formule ainsi en trois parties d’un même corps : une profondeur à rez-de-chaussée avec le rapport spécifique au sol et au regard qui peut traverser l’épaisseur de bâti, ce potentiel donnant lieu à l’expression de hall d’accès ou surfaces commerciales se donnant à lire par chacun; une épaisseur d’environ cinquante centimètres en étages courants, donnant lieu à un jeu de motifs en volume de double bow-windows acérés; un couronnement en léger retrait, symboliquement lieu de pouvoir avec sa vision sur la ville ou l’horizon de la nappe de toitures. Est convoqué ici le principe d’un retrait dans une autre réalité des membres du club de propiétaires, retranchés dans une ultime sphère exclusive. « Le luxe m‘apaise. », disait une campagne du Bon marché il y quelques années... Le condominium serait-il devenu in fine le stade ultime d’un incontournable refuge ? “Ici, je voudrais surtout insister sur la façon dont l’enveloppe vitrée repousse la ville sur l’extérieur, une répulsion qui trouvera une analogie dans ces lunettes à verres réfléchissants qui mettent votre interlocuteur dans l’impossibilité de voir vos yeux et, de ce fait, vous confèrent une certaine agressivité envers l’Autre et un certain pouvoir sur Lui. De façon similaire, la surface-miroir réussit une dissociation spécifique et non située entre le Bonavanture et son environnement extérieur : il ne s’agit même pas d’un extérieur dans la mesure où, quand vous cherchez à regarder les façades de l’hôtel, vous ne pouvez voir l’hôtel lui-même mais seulement les images déformées de tout ce qui l’entoure.” Frederic Jameson - "Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif"- Paris, Beaux-Arts de Paris Editions, 2007 Julien Abinal, 2007. PROJET:Conception d'un condominium (logements de standing et services associés)DATES:2007PHASES:Projet prospectifMAÎTRISE D'OEUVRE:Julien Abinal architecte (avec Edouard Ropars)SITERue Réaumur - Paris IISURFACES4.800 m2SHON |